Avant de vous donner la transcription d’un document non-daté, établi entre 1774 et la Révolution française au sujet des « établissements de charité pour les pauvres honteux » dans la subdélégation de Semur-en-Auxois, je vous livre, pour planter le décor, les explications concernant l’hôpital à Alise-Sainte-Reine trouvées sur le site de la ville d’Alise-Sainte-Reine.

« En 1658, le pèlerinage au tombeau de Sainte Reine est à son apogée. La source miraculeuse - apparue à l'endroit où elle est martyrisée - attire un nombre considérable de pèlerins atteints de toutes sortes de maladies, espérant une guérison miraculeuse par l'usage de l'eau de la fontaine. Venant à Alise-Sainte-Reine, deux pèlerins de Paris, Jean DESNOYERS et Pierre BLONDEL ont tellement été émus devant la misère des malheureux que leur vint l'idée de les secourir. De retour à Paris, ils en firent part à Saint Vincent de Paul qui approuva vivement cette initiative

Le 23 mars 1659, Louis XIV a accordé des lettres de patentes autorisant la construction d'un hospice sous la direction de l'Evêque d'Autun ; ce dernier a donné également son accord. Grâce à Saint Vincent de Paul, Anne d'Autriche a pris l'Hôpital sous sa protection et a constitué une rente de 1.000 deniers. Son paiement a été maintenu par Louis XV au décès de sa mère.

Les premières constructions ont été, avec la chapelle, la salle des hommes de 14 lits et la salle des femmes de 8 lits. La chapelle, construite sur un plan en croix grecque, est consacrée en 1663. L’hôpital est, dès sa création, lié avec la confrérie de Sainte Reine fondée en 1604 en l’église Saint-Eustache, à Paris. La confrérie connaît vite un grand succès dans les milieux dévots et mystiques parisiens. Ainsi, en 1664, Anne d’Autriche obtient exceptionnellement des reliques de l’Abbaye de Flavigny, qui seront partagées entre l’église Sainte Eustache et la chapelle d’Alise-Sainte-Reine. »

Dans les Archives départementales de la Côte d’Or se trouve un document sous la côte C 378 concernant l’hôpital d’Alise Sainte-Reine. Il s’agit d’un formulaire rempli à une date inconnue, s’intitulant :

« Etat de tous les Etablissemens, Fondations, Revenus, &c. de Charité, dans la Subdélégation de Semur-en-Auxoix – établissement de charité pour les pauvres honteux ¹¹ Lors de la transcription, l’orthographe a été scrupuleusement gardée»

En dehors de l’hôpital d’Alise-Sainte-Reine, la fondation de Bussi-le-Grand et l’aumône substantielle des Bénédictins de Flavigny y sont également mentionnés.

« Alize St Reine²² Le soulignement et les parties de phrases en gras ont été ajoutés par moi pour assurer une lecture plus aisée., Autun, Paroisse St Leger,  titres : 15.000 livres

Il y a dans le territoire du bourg d’Alize st Reine deux fontaines qui donnent des eaux très salutaires, pour la guerison des differentes maladies ; ce qui à attiré dans tous les temps, vn nombre considerable de personnes de l’un et de l’autre Sexe, non seulement de tous les provinces du Royaume, mais Encore des pays Etrangers.

La premiere de ces fontaines, fournit une Eau, qui se boit pour les maladies internes et qui contribüe à maintenir Le temperament de ceux qui la boivent en bonne santé ; ce qui ne peut estre révoqué en doute ; puisqu’elle a fait prendre un grand nombre d’années, La Boîette des Princes et Princesses de sang royal, de meme que celle des grands du royaume et des pays etrangers ; par le moyen du transport qui s’en fait continuelle(men)t sans qu’elle produise aucune altération, ce qui se trouve difficilement pour les autres eaux ; on continue meme d’en faire vn depost dans la capitalle du royaume ; par les ordres qu’en donnent les R.R.P.P. Cordeliers proprietaires de cette fontaine ; mais comme parmis les sujets qui compozent les etats de sa majesté, jls sen trouvent qui ne sont pas en etat de payer les frais de transport, et sont par ce moyen forcés de se rendre sur les lieux pour en faire vsage

La seconde de ces fontaines, fournit vne eau spécifique pour la guerison des maladies de peau ; telles que la Galle, la teigne, les dartres et autres playes de longues cures, par le moyen de lusage qu’en font les personnes attaquées par ce genre de maladie ; en se lavant et prenant Les bains de cette eau.

Ces sortes de Maladies sont sans contredits occasionné par la misere

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que suportent ceux qui sont dans l’indigence ; encore que ces derniers, trouvant un remede assuré a leurs Jnfirmité en venant faire vsage de cette eau sur les lieux attirent la compassion de plusieurs personnes de piété, qui venoient aussy profitter de la salubrité de ces eaux et qui touchées de commisération a La vüe de la triste scituation de plusieurs de ces miserables ; qu’ils trouvoient sur le chemin et dans le bourg de Ste Reine sans couvertures, denués de tous secours exposés aux jnjures de Lair, a la fureur des animaux ; expirant sous le poid de leur misere et maladies prirent Le partie de faire construire dans ce bourg un hopital ; en y sacrifiant leur fortune et leurs soins particuliers pour le soulagement tant spirituel que temporal de ces memes pauvres ; ce qui donna lieu a ces pieuses ames, a former ent’elles Le 14 mars 1659 vne société et un fond le meme temps de 10.000 livres, pour commencer leur pieux dessein ; elles se pourvurent ensuitte pour obtent(ion) Des lettres patentes, qui leur furent accordées le 23 du meme mois par la Majesté le roi Louis XIV confirmée par dautres lettres en datte du mois de may 1665 ; elles eurent soin aussy de se munirent de la probation de l’Eveque Diocèzaine qui souscrivit a cet Etablissement.

Jndependament du consentement accordé par sa majesté… Jl a eû voulu contribuer… en accordant a cet hopital une aumone de 100 pistoles³³ Pistoles = monnaie d’or espagnol ayant cours en France.  quil a eu la bonté de faire payer chaque année, en 10 minots de sel ainsy chaque année, a prendre au grenier de la ville de Montbard en vertu de ses lettres patentes des 16.10.1660 et 30.07.1668… et confirmées par sa majesté le roi Louis 15 par autres lettre du 11.07.1719

Cet etablissement s’etant augmenté part la pieuse Liberalité de la Reine mere, Anne d’Autriche ; qui le prit particulierement sous sa protection et par celles d’autres personnes … on a fait refluer ces memes charites sur les pauvres qui viennent journellement chercher par le moyen de la salubrité des eaux ; la guerison de leurs maladies ce quils ne peuvent trouver ailleurs, etant exclus des autres hopitaux ou leurs Jnfirmités sont jugées Jnsalubres, et de plus sujettes a contagion.

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La guerison des vns annoncées a leur retour dans leur pays aux autres, a toujours exités lenvie a ces derniers de venir ---- chaque année chercher le meme remede, distribué gratuittement, en sorte que l’hopital ste Reine, ou ils sont reçûs est presentement composée de 40 lits pour y recevoir les pauvres de l’un et l’autre sexe : outre ce, vne maison particulière composée de 20 licts pour y coucher et loger les pauvres valides et jnvalides qui nont dautre mal que la teigne &ca et autres maladies de longue cures ce qui forme un nombre ordinaire de 30.000 journées chaque année, pour raison de quoy les revenus de cet hôpital ne vont au plus qua 15.000 livres, comprit les 100 pistolles accordées par… L XIV et… L XV ; flaté de lesperance de voir revivre cette confirmation par sa majesté de roi reignant qui authorise le pieux etablissement de ses predessesseurs dans les vüe dhumantié et de bienfaisance, pour le soulagement des pauvres jnfirmes.

Sur les 15.000 livres cy dessus annoncées jl faut payer la nourriture  lentretien, et les gages de ses filles de la charité destinées au service des pauvres, vn chapelain, vn econome, vn medecin, comme boulangers, portiers, jardiniers et autres. …

Quoique le revenu de cet hôpital soit tres modique pour subvenir au soulagement des pauvres qui viennent non seulement des pays etrangers

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mais encore des environs, pour vn dernier effort Jl a été distribué vne aumone de pain et de potage aux pauvres des environs pendant les années de calamité qui se sont fait sentir particulierement dans le pays pendant le cours des années 1771 et 1772 : Jndependament de cette distribution Jl sen fait vn autre journellement et sans jnterruption a plusieurs jnfirmes qui viennent de toutes part chercher des soulagements a leurs maux dans les memes eaux.

Le nombre des fondations faittes dans cette maison consistent

1° a lentiere execution de ce qui est de cy dessus

2° a  faire acquitter 832 ?meston par an

3° a faire dire les prieres chaque jour soir et matin, pour les fondateurs qui ont dottés cet hopital, et particulierement pour la prosperité de l’Etat et la conservation des precieux jours sa majesté le roi reignant

4° a recevoir vn pauvre malade de la terre de darcy [qui jouxte AStR] fondé par Monsieur de Clugny en 1723/9

5° enfin a faire Jnstruire Les pauvres de lun et de lautre sexe qui viennent en cette maison denués des principes de la religion

On vient encore de charger cette maison de la construction de plusieurs loges pour y enfermer les fols et les mauvais sujets ce qui a épuisé totallement le peu de fond qui restoit destiné aux besoins des pauvres… cependant après avoir engagés à faire les frais de la construction de 6 loges et le ----- de 6 autres par la plus grande economie et solidité pour raison de quoi lhopital a deboursé une somme de 8.845 livres …

La promesse de n’envoyer dans les loges que des sujets à pensions n’a pas été executée, de 6 qui y sont presentement il y en a 3 qui sont sans pension et 2 autres qui en sont sortis ce qui fait une surcharge à lhopital aux dépens des pauvres infirmes qui y viennent chercher leur guerison

Observations

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Les peres cordeliers dudit Ste Reine sont chargés de distribuer chaque dimanche vn potage a tous les pauvres qui se presentent a leurs portes ; et de faire apprendre un metier a vn pauvre orphelin de l’endroit en execution de la fondation de M. de Villemontée qui est a la datte du 29.04.1660. On observe que M. Devillemontée fondateur par son testament destina 2.000 livres qui devoient etre placés dans un fond raportant 100 livres de rente (5%). Mais le placement se fit en contract sur le roy qui ne fut que de 1000 livres (sic) à quoy la fondation fut contrainte par transaction passée entre les heritiers de M. de Villemonter les peres cordeliers

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et les sindics de ste Reyne pardevant fiot notaire a Dijon le 15.09.1701 que les arrerages de cette rente souffrirent vne reduction au mois de juin 1720 et depuis ce temps ils ne produisent que 25 livres par an en sorte quil faut laisser accumuler plusieurs années pour pouvoir remplir les volontés du fondateur qui etoit fils dun conseiller au parlement de Paris.

à Bussi le grand [jouxte AStR] Lejeune Randot ancien curé dudit lieu a fondé vne maison de charité par acte recu gardien notaire le 26 mars 1701 contenant donation au profit des pauvres de la paroisse dudit Busit dun batiment et de plusieurs fonds de plus de 200 livres de rente. Cette pieuse

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fondation à eté executté pendant 10 année du vivant du sieur Randot decedé sur la fin de 1710 ; mais apres sa mort ses heritiers et les curés qui lui ont succedés ont tellement négligé le batiment quil est presque en ruine, les 2 curés successeurs ont fait plus jls se sont emparé successivem(en)t du meilleurs des heritages qui est vn enclos de
7 soiptures¹¹ Soipture/soiture = en Bourgogne, fauchée, étendue de pré qu’un homme peut faucher en un jour, l’équivalent
  du journal, terme réservé aux terres labourables (Dictionnaire du monde rural, Marcel Lachiver) de préz, il y à proces au parlement pour en faire desister le sieur Berthiot curé actuel avec restitution des fruits et levées. Vne circonstance singulier, ce cure est administrateur meme le 1^er avec les officiers de la justice, le premier fabricien, le sindic et un notable du lieu, cependant malgré cette qualité, jl a ozé, pour de concerver le préz proposer vne prescription ; jl a falu vn arret

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pour len deboutter, et jl sagit auJourdhui du fond. La fondation fut homologuér par arret sur les conclusions de M Le P(rocureu)r general du parle(men)t de Dijon le 8.8.1769 et depuis ce tems là des Dames de charité etablis par le bureau employent Le revenu a soulager les pauvres malades de la paroisse.

A Flavigny Labbaye des benedictins fait pendant le cours de lannée distribuer de 6886 livres de pain, 36 pintes de vin, et 4 mesures de febves, mais on ne voit point lorigine de cette aumone. »

¹ Lors de la transcription, l’orthographe a été scrupuleusement gardée

² Le soulignement et les parties de phrases en gras ont été ajoutés par moi pour assurer une lecture plus aisée.

³ Pistoles = monnaie d’or espagnol ayant cours en France.

⁴ Soipture/soiture = en Bourgogne, fauchée, étendue de pré qu’un homme peut faucher en un jour, l’équivalent
  du journal, terme réservé aux terres labourables (Dictionnaire du monde rural, Marcel Lachiver)